Première de couverture d'Aubrac e Viadena, mon país, de Marcel Laporte (1910-2002)

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Introduction

Première de couverture d'Aubrac e Viadena, mon país, de Marcel Laporte (1910-2002)

Montanhòl et montanhièr autant que Parisien, Marcel Laporte est à ce titre très représentatif des Viadenaires. Son œuvre, reflet du vécu et de l’activité, ou création de commande, comprend des pièces en français et en occitan. En 1978, elle comptait une quarantaine de poèmes, fables ou chansons en occitan.
Né à París en 1910, il fut élevé al païs par une nourrice occitanophone. Excellent élève à La Terrisse et à Vitrac en Viadène, malgré une période de scolarisation limitée de la Toussaint à Pâques, et bien que n’ayant accédé au français qu’à l’âge de sept ans, Marcel Laporte put décrocher un prix de lecture à Paris à neuf ans, ainsi que la plupart des prix à l’âge de onze ans. Autodidacte à part entière, il s’est forgé une vraie science de la versification et une grande culture générale par la lecture.
A 18-19 ans, sa première publication fut un tirage à 500 feuilles des Enfants de la montanha sur l’air des Gars de la marine, qu’il vendait lors des fièiras pour 2 sous ou pour un pinton.

Marcel Laporte (1910-2002)
Originaire de Vitrac en Viadène, Marcel Laporte était très attaché à son país. Son œuvre est imposante.

Le Grelh roergàs lui a rendu hommage en 2008 (Aubrac e Viadena, mon país, n° 28 de la collection du Grelh).
« C’était dans les années 20, peu après la Toussaint. J’avais quatorze ans révolus depuis le vingt-trois octobre. Ce mois était régulièrement celui de la rentrée des classes à cette époque.
Mais de nombreux enfants, placés comme pastoureaux pendant la bonne saison, ne reprenaient le chemin de l’école qu’après les vacances d’automne.
Tandis que mes parents et mes deux frères étaient à La Terrisse, moi j’étais revenu à Vitrac chez ma grand-mère dont le bien était loué. J’avais déjà passé d’autres hivers chez elle.
Cette mémé était ma marraine : c’est la raison pour laquelle on m’envoyait lui tenir compagnie, plutôt qu’un de mes frères.
D’autre part, comme j’étais le plus grand, papa pensait que j’aurais moins peur que les autres pour aller, dans la nuit, demander du secours si elle était malade.
Sur la façade de la maison s’ouvraient deux fenêtres qui éclairaient la pièce principale servant de cuisine et de séjour.
Ces deux ouvertures étaient les seules de la bâtisse fort ancienne dans laquelle tout ameublement semblait figé depuis des siècles.
Le lit de mère-grand était dans une alcôve près de la cheminée et le mien n’était séparé du sien que par la grande pendule à poids et un petit meuble mural, le “ressadou” en patoisant un peu.
Sans doute que, malgré le sommeil de plomb propre à mon âge, je l’aurais entendue si elle s’était plainte.
Pourtant, j’étais encore un bien petit homme pour assumer une telle responsabilité. Aussi, j’en étais secrètement fier. Par bonheur, elle ne fut jamais malade, moi non plus d’ailleurs et c’est tant mieux.
J’avais en outre d’autres consignes. Je devais, selon les ordres paternels, et cela se comprend, aller lui chercher l’eau à la fontaine du village et l’approvisionner en bois de chauffage. Celui-ci était préparé et entassé à l’abri des intempéries.
Plus facultatif, le balayage de la maison m’était également conseillé, en raison de son grand âge. Toutefois, c’est elle qui s’en chargeait le plus souvent bien que son peu de cuisine et de vaisselle ne lui créent malgré tout bien des occupations.
Grand-mère avait une fille, veuve de guerre, passée assez longtemps par Paris, mais habitant Coluènhes. C’était ma tante Mathilde. Coluènhes est le hameau le plus proche de Vitrac. Aussi faisait-elle souvent la navette, rendant ainsi bien des services à sa maman.
Pourtant, je me souviens que la mienne me disait, en parlant de mes séjours d’autrefois chez mémé que, malgré mes espiègleries, elle aimait mieux m’avoir auprès d’elle plutôt que sa fille Mathilde qui l’énervait avec ses remontrances. Elle lui reprochait ses procédés routiniers comme, par exemple, d’essuyer la poêle chaude avec une feuille de journal pour la nettoyer.
Quoi qu’il en soit, les allées et venues de ma tante étaient loin de nuire à l’entretien de ce si modeste intérieur. Elle lui apportait sans cesse de menus décors qui l’embellissaient. Sans en dire davantage, les rideaux des alcôves qu’elle avait confectionnés elle-même étaient de toute beauté. Toutes les trois semaines, elle venait faire la lessive, le jeudi de préférence, afin que je prenne un bain dans le grand baquet de bois qui lui servait de “buandier”.
J’allais à l’école communale du village et j’étais du nombre des cinq postulants au certificat d’études. Mes parents quittèrent définitivement La Terrisse pour venir exploiter trois fermettes qu’ils avaient louées, à savoir : deux à Vitrac avec celle de mère-grand et la troisième au hameau des Barrières. Ces trois propriétés réunies permettaient d’élever une bonne trentaine de bovins. Mais cela faisait de nombreuses parcelles de terrain, fort dispersées et beaucoup d’ouvrage.
N’oublions pas cependant les six jeunes jambes très utiles pour courir après le bétail. Les troupeaux étaient trop grands pour les pâturages étriqués de ces trois bicoques. Les taurillons, toujours en bataille, défonçaient les clôtures et exigeaient de nous d’interminables galopades.
Après les vacances de Pâques, je ne revins pas à l’école. Ce fut une décision de mon père. Le jour où je devais y retourner, il faisait vraiment beau. Les oiseaux chantaient, la gaieté régnait partout, ça sentait bon le printemps bien que mon père et moi ne soyions guère gâtés en fait de parfums, cet après-midi-là. En effet, nous enlevions un gros tas de fumier pour le charrier dans les champs. Laissé par les fermiers précédents, il occupait tout un coin du “couderc” et notre malodorant chantier se voyait depuis l’école.
Soudain, l’instituteur arriva, et à grandes enjambées ! Il s’adressa à mon père :
“Mais que faites-vous avec ce gosse ? Oubliez-vous que je veux le présenter au certificat d’études ?
– Il est mon fils aîné, répondit mon père, et j’ai besoin de ses bras. L’hiver prochain, il ira à Saint-Amans des Cots.”
Inutile de vous dire que le maître d’école s’en retourna fort mécontent. Cet épisode de ma vie est resté gravé pour toujours dans ma mémoire. Je dois maintenant ajouter qu’en fait de scolarité à Saint-Amans, l’hiver suivant, je pouponnais mon petit frère : une école comme une autre !
A vingt ans, je partis en Tunisie pour accomplir mon service militaire. On fit faire aux nouvelles recrues une rédaction dont le sujet était : “Décrivez vos impressions en arrivant sous les drapeaux.” La mienne dut attirer l’attention du capitaine examinateur puisque, n’ayant eu aucun diplôme à signaler à l’incorporation, sur mon livret militaire ne figura que la mention : sait lire et écrire.
Le lendemain, le capitaine, après avoir épluché de plus près mon livret, me demande :
“Comment se fait-il que vous n’ayez pas au moins le certificat d’études primaires ?
– J’ai été malade au moment de passer l’examen, lui répondis-je, et mon père ayant besoin de moi pour les travaux de la ferme ne m’a pas fait redoubler.”
Un mensonge aussi gros est inoubliable mais il fallait bien que je trouve un argument valable. Je me suis longtemps demandé comment une telle réponse m’était venue spontanément à l’idée alors que je ne m’attendais pas du tout à une telle question.
En définitive, je crois que la vérité n’aurait pas été meilleure à dire. »
PS : J’ai omis beaucoup de détails dans ce récit mais je le signe :
Marcel Laporte.
(Texte communiqué par Renée-Claude Coussergues. Extrait de Aubrac e Viadena, mon país, de Marcel Laporte, 2008)

Nous publions une liste, non exhaustive, de ses créations en occitan :

Lenga nòstra
Nòstra Viadena
(air : Ma Normandie)
Aimi la Nauta-Viadena
Los Viadenaires
(air : Las cinc auglanas)
Viva Vitrac !
Viva Lacalm
! (air : Son davalats los garçons de la montanha)
Mon país
(air : Montavi la marmita)
L’amor de son país
Sèm los enfants de la montanha
(air : Les gars de la marine)
Lo Crés
Cançon del Crés
(air : Sèm montanhòls)
Los Traps-Basses
Lo Bosquet e son castè
l (air : Venise et Bretagne)
La raça d’Aubrac (air : La Paimpolaise)
La grasilhada
Lo fabre vièlh
Lo pepè plora sos buòus
(air : J’ai deux grands bœufs)
Lo tractur e los buòus
L’agulhada
(air : La Paimpolaise)
Las doas ròdas
Los vièlhs masucs
(air : Lo Rossinhòl ou Lo Masuc)
Lo paure
Lo cocut a cantat
Un grelh canta
(air : Se canta)
Lo grelh de las pradas
(air : Au clair de lune)
Lo grelh del ribatèl (air : De delai lo ribatèl)
La grelhonaira (dança)
Lo bonur es dins lo prat (musica
David Julien)
Paulon, Pomèla e Pomelon
Ont vas, Pierron ?
(air : Las cinc auglanas)
La Marineta e lo Pierron
(air : Lo Rossinhòl)
La Yoyeta e lo Pierron
(air : La Yoyette)
Lo Casimir e l’Angèla (air : Etoile des neiges)
Lo poton (air : Tango de Marylou)
La nèu del cocut
Lo rainal e lo boc
La maquina de lavar
(airs de bourrées)
Papà Nadal (air : Cadet Roussel)
Un Dius adorable (air : Etoile des neiges)
Gaujós Nadal (air : En passant par le bois)
Vièrja venerabla (air : Devant vous, Marie)
Es nascut lo divin Enfant (air : Il est né le divin Enfant)
La Nativitat (air : Boire un petit coup)
La Bona Novèla (air : Les anges dans nos campagnes)
Paire Nòstre que siás al Cèl
La Clotilda e sas aucas

Photo

Première de couverture d'Aubrac e Viadena, mon país, de Marcel Laporte (1910-2002)
© Grelh roergàs (Rodez)

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