Vue générale, juillet 2003

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Introduction

La pénétration des influences culturelles indo-européennes des Celtes dans nos régions s’est faite progressivement à partir du 1er millénaire avant notre ère. Entre le Ve et le IIe siècle, diverses tribus celtes établissent leur autorité sur le Massif central, au cœur des Gaules. Le pays des Arvernes deviendra Alvèrnha, celui des Gabales, Gavaldan, celui des Cadurces, Carcin et celui des Rutenes, Roergue. Au cours de cette période, Segodunum, l'actuelle capitale du Rouergue, est sans doute un oppidum dont la fonction sacrée est attestée par des puits à offrandes.

« Il semble facile de justifier a posteriori le site d’une ville. Parler de l’ancienneté de Rodez, de la densité dolménique du Causse comtal, ce n’est que reculer le problème. Les raisons géologiques et géographiques sont fortes, sans être déterminantes : Rodez est à la jonction des ségalas et des causses et proche du Rougier, régions économiquement complémentaires. Il se situe juste au point où la vallée de l’Aveyron devient encaissée, difficilement franchissable. C’est un des rares points où l’on peut traverser la rivière sans trop de peine, en amont de Villefranche… Mais on ne peut manquer de trouver un horizon très court à ces explications ; le Rouergue, c’est aussi Millau, Saint-Affrique, Villefranche et Espalion et le pays des Rutènes s’étendait bien au-delà, jusqu’aux portes de Toulouse (les Albigeois étaient jadis les Ruteni provinciales, les Rutènes soumis à Rome). Pourtant toutes ces villes sont de vallée. Rodez déjà fait exception par sa butte : le nom antique de Segodunum, la forteresse sur la hauteur, serait la reconnaissance de cette originalité voulue.
Lieu d’échanges, point de passage, plateau servant de refuge en cas de trouble, Rodez eut sans doute un rayonnement spirituel, auquel saint Amans, son premier évêque, vers la fin du IIIe ou au début du IVe siècle, substitua le rayonnement du christianisme, par le renversement légendaire d’une idole. Avant lui, l’administration romaine avait reconnu le rôle de capitale de la ville et l’on parlait de Civitas Rutenorum pour la désigner, ou plutôt on disait ad Rutenos. Cette dernière forme, par une évolution phonétique normale, est devenue Rodez. La capitale s’orne alors de quelques monuments indispensables de la civilisation romaine : théâtre, forum, temples, arc de triomphe, aqueduc, cloaques… Tous les jours, les débris de cette civilisation réapparaissent. La ville déborde des remparts devenus inutiles ; mais les invasions mettent fin à la Pax Romana. Pour des raisons de sécurité, la ville se contracte gardant le nom de Civitas ; c’est la Cité. L’église naissante se substitue à l’autorité civile ; et la ville résiste aux assauts successifs des Wisigoths, des Francs, des Sarrazins et des Normands (jusqu’au IXe siècle) tout en étant le jeu de lointaines tractations, qui dès le VIe siècle rattachent le Rouergue tantôt à la Gothie (Bas-Languedoc) tantôt à l’Auvergne.
A côté de la Cité, un petit noyau s’est maintenu autour du tombeau de saint Amans et forme le Bourg. Le comte, délégué des souverains carolingiens, s’y installe et, dans la restauration de l’autorité impériale, à laquelle il confond la sienne propre, il se heurte au pouvoir solidement implanté de l’évêque, spirituel certes, mais, par force, temporel, chaque fois qu’il y a eu danger. La tension entre les deux pouvoirs s’accentue, lorsque l’affaiblissement de l’autorité royale provoque la constitution de grands domaines féodaux.
Le peuple, les deux communautés du Bourg et de la Cité, pour des raisons profondes différentes, épouse les querelles des grands. Chaque pouvoir le flatte d’avantages, de privilèges propres (consulats). La question des foires met régulièrement le feu aux poudres et deux remparts divisent sur la butte les frères ennemis. Ainsi, en 1315, à l’occasion de la foire de la Saint-Pierre, la bataille fait une vingtaine de morts et plusieurs maisons sont incendiées. Une cour commune ou paréage est alors instituée dans le but de régler les litiges entre les membres des deux communautés et, comme il se devait, elle a son siège entre les deux remparts, en haut de l’actuelle rue Marie.
Sous les comtes de Toulouse, le Rouergue est l’objet des mêmes lointaines tractations, qui jadis, l’avaient fait aller d’un côté et d’autre, mais, cette fois-ci, à un échelon moindre : le comté du Rouergue est amputé de la vicomté de Millau qui passera sous l’autorité des rois d’Aragon. La guerre des Albigeois, la fin de la dynastie des Raimond (XIIIe siècle), puis au début du XIVe siècle, la fin de la première dynastie des comtes de Rodez éloignent ou font disparaître les éléments originaux de la vie locale : les derniers troubadours perdent leurs protecteurs de Rodez ; Bernard, comte d’Armagnac, par son mariage avec l’héritière d’Henri II, devient comte de Rodez, et la suzeraineté passe des comtes de Toulouse au roi de France.
On a dit justement que la mémoire populaire remontait aux Anglais, comme avant la guerre de Cent Ans elle remontait aux Sarrazins, les derniers grands envahisseurs. Le traité de Brétigny (1360) livra à l’Angleterre le domaine des comtes d’Armagnac, englobant dans la Guyenne le Rouergue si peu estimé par les grands. Tout le monde connaît l’ascendant que prit la famille d’Armagnac, dans sa résistance aux Anglais, puis dans sa lutte pour le pouvoir jusqu’à l’avènement du tyran que fut le monstrueux Jean V. Rodez, qui avait eu sa part, dès 1368, dans le soulèvement contre le joug des étrangers, vécut pendant un siècle dans l’insécurité, répandue par la suite par les routiers-brigands, puis par les manœuvres qui opposèrent le roi et Jean V (milieu du XVe siècle). Après les Armagnac, le comté fut cédé à Marguerite d’Angoulême, revint à sa fille Jeanne d’Albret et à son petit-fils Henri de Navarre, le futur Henri IV, puis à sa femme répudiée Marguerite de Valois, et ne tomba définitivement dans le domaine royal qu’en 1607.
A la chute des Armagnac, le comté de Rodez est donc revenu aux membres de la famille royale, qui ont de moins en moins d’intérêts locaux. Remis des faux-pas (le Grand Schisme) de leurs prédécesseurs, les évêques de Rodez ont retrouvé leur rôle de protecteurs de la Cité : attentifs au peuple et amis des arts, Bertrand de Chalencon, le Bienheureux François d’Estaing et Georges d’Armagnac, font achever la cathédrale et édifier surtout le clocher de Rodez, que l’on dit le plus beau de France. Au XVIe siècle, le protestantisme gagne le Rouergue, principalement le diocèse de Vabres, donc le Millavois, et une partie du Bas-Rouergue. Pour lutter contre la nouvelle religion, Georges d’Armagnac fonde à Rodez un collège d’enseignement confié aux jésuites, établissement qui devint par la suite Ecole centrale, puis lycée (l’ancien lycée Foch). Les évêques prennent le nom de comtes de Rodez ; mais l’autorité temporelle n’est plus liée au titre de comte.
Le pouvoir souverain, par la création, au XVIe siècle, du présidial de Villefranche (tribunal supérieur), porte un coup très dur à la capitale. Millau, trop éloigné, obtient temporairement un second présidial, bientôt transféré à Rodez (1635). A cette époque, se manifesta avec la plus grande vigueur cet esprit d’aversion, qui est resté célèbre. On vit même lorsque l’un ou l’autre des présidiaux disparut, les justiciables de Rodez préférer se rendre à Cahors plutôt qu’à Villefranche et ceux de Millau et du Vabrais aller plaider à Villefranche et non à Rodez. Le relief même du Rouergue justifie ces forces centrifuges : une fois de plus les populations épousent inconsciemment les querelles des grands. Une fois de plus la mystérieuse unité du Rouergue, que certains justifient encore de nos jours négativement, est brisée. Mieux, le siège de l’intendant est placé hors du Rouergue, à Montauban.
Les charges fiscales augmentent. “Les Asnes du Rouergue”, comme rapporte Vital d’Audigier, finissent par ruer : c’est la révolte des croquants, durement écrasée. La fin de l’Ancien Régime marque l’effacement des personnalités locales, pas seulement de Rodez. La nouvelle route de Cahors à Montpellier passe à La Primaube et laisse de côté la capitale (vers 1750).
Il n’est pas étonnant que l’histoire monumentale de Rodez semble s’arrêter à la Renaissance. Les XVIIe et XVIIIe siècles ont moins bâti : les édifices religieux ou ecclésiastiques font presque seuls exception, preuve de la présence de l’Eglise, en face des abandons (orgues de la cathédrale, évêché, Saint-Amans, chapelle des jésuites, Hôtel-Dieu, chartreuse). Les édifices civils, mis à part quelques hôtels, comme l’hôtel de Séguret ou les deux hôtels Le Normant, sont pour cette époque, médiocres. Quelques détails, ici et là, escaliers, portes, pièces de ferronneries, montrent que les artisans ruthénois étaient dignes de plus de faveur.
La Révolution et l’Empire rendent à Rodez son rôle de capitale : chef-lieu du nouveau département de l’Aveyron, Rodez devient bientôt siège de la préfecture et du tribunal criminel et une administration s’installe, croissante. L’Empire rend définitivement son importance à Rodez en rejetant Villefranche au bord du département par la cession du canton de Saint-Antonin au nouveau département de Tarn-et-Garonne. Mais l’Eglise a été frappée dans ses biens, ses membres et sa doctrine : le trésor de la cathédrale anéanti, l’édifice lui-même menacé, le clocher sauvé in extremis par sa consécration à Marat, la plupart des couvents transformés en maisons de détention, un évêque constitutionnel installé, le clergé persécuté. A la suite du Concordat, l’évêché est réuni à celui de Cahors ; le clergé et la population sont un instant divisés (schisme des Enfarinés). L’abandon des couvents entraînera leur démolition au début du siècle : ainsi disparaissent les Annonciades, les Jacobins (remplacés par les casernes Sainte-Catherine), les Cordeliers surtout, dont l’église renfermait les restes et les tombeaux de la famille d’Armagnac et des sculptures qui ont servi à former la terrasse du palais de justice actuel. Tels furent, longtemps après, les effets du désarroi.
En 1817, Fualdès, ancien procureur impérial est assassiné. Il est inutile de présenter ici cette affaire trouble, dans laquelle mœurs et politique se mêlent. Parce que la société ruthénoise était réduite, l’affaire touchait beaucoup de monde. Chacun se mit à renifler le scandale. Après son Sauvage, l’Aveyron offrit son “crime” aux amateurs parisiens de sensations. La complainte composée à cette occasion fut chantée pendant plus d’un siècle.
Au XIXe siècle, on voit s’élever des édifices néo-classiques, à l’image de la centralisation et du rationalisme à la mode : le palais de justice, l’Ecole normale de jeunes filles et même le grand séminaire (collège Fabre actuel) et de rares monuments civils comme le fameux Temple des Grands Hommes (détruit pour faire place à la maison des jeunes). Les établissements d’enseignement se multiplient (Ecole normale d’instituteurs et petit séminaire Saint-Pierre en 1835, Sainte-Marie 1853, Saint-Joseph 1859) faisant de Rodez une véritable capitale étudiante. On sait que le lycée prendra par la suite le nom d’un de ses illustres pensionnaires : le futur maréchal Foch.
Entouré par la vallée de l’Aveyron, Rodez s’étale du côté de la pente la moins forte, vers le faubourg, par la rue Béteille, puis vers la gare, installée dans la plaine de Canac. De grands travaux d’urbanisme ont été entrepris depuis le début du XXe siècle : plantation d’ormeaux sur le tour de ville, suppression du cimetière Notre-Dame, aménagement de la place d’Armes, qui n’a cessé d’être remaniée par la suite (occupée successivement par le Fort Ferraguet, le Samson de Gayrard et une fontaine, la Victoire de Puech et aujourd’hui un simple pavement en gradins), amenée des eaux de Vors, puis en 1900 des eaux du Lévézou, percées de rues…
Il existe pour Rodez et ses monuments une abondante littérature. Rodez a été capitale gauloise, romaine, religieuse, comtale et administrative. La ville a eu tous les monuments qui correspondaient à ses fonctions. On s’est disputé la place sur le vieil oppidum étroit pour des raisons de sécurité ou de commodité. On a beaucoup détruit, parfois avec les meilleures intentions du monde et le centre, qui devait être sacré, à l’abri de toute atteinte, a perdu, depuis le début du XIXe siècle et malgré la conscience que l’on avait de sa valeur, un grand nombre de ses beaux monuments. Les listes qui suivent ne prétendent pas épuiser un sujet si souvent développé ailleurs. C’est un simple aide-mémoire.
La ville de Rodez a été longtemps formée de trois grands ensembles : la Cité, le Bourg et le Barri ou Faubourg Saint-Cyrice. Les deux premiers formaient la vieille ville ceinte de remparts et entourée d’un fossé dont on a fait les boulevards. La Cité formait une paroisse, celle de la cathédrale. Le Bourg entourait Saint-Amans. Tous deux avaient leur place, leurs foires et leurs marchés.
L’établissement de la gare au nord-ouest de la ville a provoqué le développement du Faubourg Saint-Cyrice (avenues Tarayre, Durand de Gros et maréchal Joffre). Il a formé une paroisse autour du Sacré-Cœur.
Depuis le début du XXe siècle, tous les faubourgs se sont étendus et se sont finalement rejoints. Quelques interruptions sont encore visibles du côté de la vallée de l’Aveyron. Les nouveaux quartiers s’appellent Cardaillac, les Quinze-Arbres, le Petit-Languedoc, Gourgan, etc. » (Jean Delmas, 2004)

Segodunum : Rodés capitala rutena

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Vue générale, juillet 2003
© Institut occitan de l'Aveyron (Villefranche-de-Rouergue)

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