Las falsas litànias (La procession al Buènne)
Introduction
La foi n'empêchait pas l'existence d'histoires drôles, de formules ou de chants satiriques raillant le clergé, les paroissiens ou les pratiques religieuses.
Les parodies du sacré sont calquées sur des matrices issues de la liturgie.
Pour demander du beau temps, les paroissiens des environs allaient en pèlerinage à Notre-Dame du Buenne sur la commune de Goutrens.
Au cours de ces processions, on improvisait des paroles occitanes facétieuses sur le texte latin des litanies.
C'était l'occasion d'égrener les escaisses (surnoms) collectifs, parfois péjoratifs, souvent attribués aux habitants d'un village par ceux d'un village voisin et rival ou par les ruraux des environs.
On notera le rhotacisme transformant le "l" de solelh (soleil) en "r" : sorelh. Cette particularité linguistique se retrouve dans plusieurs secteurs du département.
Vidéo
Gilbert ESPINASSE
né en 1944 à Sévignac de Druelle.
Transcription
Occitan
Français
En montent, bien se(g)ur a pè, lo curat en tèsta, cantavan las litànias dels sents. E n'i aviá de sents, encara mai que duèi, perque n'i a un tropèl que son mòrts, ara…
E alara, a fòrça de cantar totjorn las mèmas litànias, las reprenián parce que pendent d'oras que montavan, las avián dichas dètz còps o vint còps.
Parmi los pus fervents catoliques que i aviá, n'i aviá que improvisavan un bocin, al fur e a mesura que passavan davant tal o tal vilatge.
Aquò donava entre autres quauques sents que vos pòde cantar rapidament se volètz :
“Gigas-lòngas d’a Regís,
Ora pro nobis,
Grata-papièr d’a La Trava,
Ora pro nobis.”
Ai oblidat de vos dire que n'i aviá un qu'entonava la litània, lo sent, e tota la fola pièissa tornava reprene : "Ora pro nobis".
Ai oblidat d'o vos dire, aquò èra fondamental aquò, perque se remplaçavan per dire las litànias. Lo curat començava e pièissa a torn de ròtle totes los cantaires del país ne disián una cadun. Aquò èra programat coma aquò.
Donc i aviá :
“Grata-papièr d’a La Trava.”
Pièissa i aviá :
“Pissa-guèrlhe d’a Canta-Mèrlhe,
Ora pro nobis,
Borra-sec d’a Celzet,
Ora pro nobis.”
N'i aviá bravamensas maitas mès las ai oblidadas. Las ai pas pus cantadas dempièi… dempièi un brave temps… »
« Autrefois, ils allaient en pèlerinage au Buenne, aujourd'hui aussi mais autrefois c'était une grande manifestation. Ils y allaient, tout le pays y montait, au Buenne, à pied. Ils faisaient 10 km à pied souvent pour aller chercher le soleil car quand il faisait sec ils allaient chercher l'eau au Pont de Grand-Fuel. C'est une autre course, là, c'était encore plus loin. Et quand une année était trop humide, qu'il pleuvait tout le temps, qu'ils ne pouvaient pas rentrer le foin ou le blé, ils allaient en pèlerinage au Buenne, tout le pays.
En montant, bien sûr à pied, le curé en tête, ils chantaient les litanies des saints. Et il y en avait des saints, encore plus qu'aujourd'hui, car il y en a un troupeau qui sont morts, maintenant…
Et alors, à force de chanter toujours les mêmes litanies, ils les reprenaient parce que quand ils montaient pendant des heures, ils les avaient dites dix fois ou vingt fois.
Parmi les plus fervents catholiques présents, il y en avait qui improvisaient un peu, au fur et à mesure qu'ils passaient devant tel ou tel village.
Ça donnait entre autres quelques saints que je peux vous chanter rapidement si vous voulez :
“Gigues-longes de Régis,
Ora pro nobis,
Gratte-papier de La Trave,
Ora pro nobis.”
J'ai oublié de vous dire qu'il y en avait un qui entonnait la litanie, le saint, et toute la foule reprenait ensuite : “Ora pro nobis”.
J'ai oublié de vous le dire, c'était fondamental ça, parce qu'ils se remplaçaient pour dire les litanies. Le curé commençait et puis à tour de rôle tous les chanteurs du pays en disaient une chacun. C'était programmé comme ça.
Donc il y avait :
“Gratte-papier de La Trave.”
Puis il y avait :
“Pisse de travers de Cantemerle,
Ora pro nobis,
Bourre-sec de Celzet,
Ora pro nobis.”
Il y en avait beaucoup plus mais je les ai oubliées. Je ne les ai plus chantées depuis… depuis très longtemps. »