Tour fortifiée et domerie, à Aubrac, vers 1910

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Introduction

Tour fortifiée et domerie, à Aubrac, vers 1910

« La dômerie-hôpital dédié à Notre-Dame a fait l’objet de très nombreuses études. La notice qui suit résume les Documents pour servir à l’Histoire d’Aubrac, édités par les Archives de l’Aveyron, en 1980.

En 1120, Adalard, vicomte de Flandre faisait le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle. Assailli par des brigands, selon la légende, sur les hauteurs de l’Aubrac, il fit le vœu d’élever en ces lieux un hôpital pour le pèlerins s’il en réchappait. Le but de cette fondation était d’accueillir le pèlerins qui se dirigeaient vers Rocamadour, Saint-Jacques-de-Compostelle, Saint-Sauveur d’Oviède, Saint-Dominique d’Estramadure et le Saint-Sépulcre de Jérusalem, et étaient obligés de traverser ce “lieu d’horreur, de vaste solitude, terrible, boisé, sombre et inhabitable” (expression du récit de la fondation).
La règle suivie fut celle de Saint-Augustin. La communauté comprenait des prêtres chargés du service religieux, douze chevaliers dont la fonction était de protéger les voyageurs, des frères lais et diverses personnes, hommes ou femmes, qui avaient en charge l’hôpital lui-même. Le supérieur était appelé dom, du latin dominus, d’où le nom de domerie donné à la maison. En 1408, les hospitaliers étaient 70, mais il n’y avait plus de trois chevaliers ; ce qui montre que la fonction militaire et protectrice de l’hôpital a diminué au cours des temps, au profit de la gestion des domaines et des dépendances, vite devenus nombreux importants : les commanderies de Sainte-Marthe (de Rodez), de Bozouls, de Millau, de Cassanodes (commune de Taussac), de Levinhac (commune de Saint-Côme d'Olt), de Saint-Geniez d'Olt et de Najac, en Rouergue, celles de Chirac, de Marvejols, de Mende et de Nasbinals en Gévaudan, les granges d’Aulos, de Bonnefon (Saint-Chély d'Aubrac), de la Salle (Prades d’Aubrac), de Malet (Saint-Côme d'Olt), des Bourines (Bertholène).
On compte 36 doms de la fondation jusqu’à la Révolution, soit 19 depuis Adalard jusqu’à Raymond Brunières (1437) et 17 doms commendataires, parmi lesquels des membres de la famille d’Estaing qui gardèrent la domerie pendant près de cent ans (14337-1523), le cardinal d’Armagnac (1546-1585) qui la transmit à son neveu Bernardin de Corneilhan, le cardinal de Sourdis, archevêque de Bordeaux (1597-1600) et le cardinal Mazarin (1643-1649). L’abbaye connut alors les méfaits de la commende avec, par exemple, en 1663 un dom de douze ans : Louis-Antoine de Noailles.
L’Etat de plus en plus prospère de cette fondation sur le plan matériel excita la convoitise de plusieurs ordres religieux qui auraient voulu se l’agréger : les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem à deux reprises (XVIIIe s.), ceux du Temple peu de temps avant la suppression de l’ordre (XIVe s.), les chevaliers de Saint-Lazare en 1676. Mais les hospitaliers d’Aubrac bénéficièrent de la solidarité rouergate des abbés de Bonnecombe et de Bonneval et du sénéchal du Rouergue. D’importantes transactions avec Alphonse de Poitiers, successeur des comtes de Toulouse (1267), puis avec le roi (1273, 1291) assurèrent leur indépendance, régulièrement confirmée par la suite des privilèges royaux. A la fin du XVIIe s., on essaya de réformer l’abbaye et de la sauver de la décadence : en 1697, le dom traita avec l’abbé de Chancelade en Périgord, qui s’engagea à mettre à Aubrac dix religieux de chœur. A la fin du XVIIIe siècle, la communauté avait retrouvé ses vertus primitives.
La fonction hospitalière et d’assistance ne se bornait pas à l’hôpital lui-même et aux domeries qui lui étaient rachetées. Une part des revenus était distribuée sous forme de setiers de seigle à diverses paroisses de l’Aubrac : Prades d’Aubrac, Lunet, Les Crouzets, etc… Ainsi que s’exprime en 1596, un laboureur du Gévaudan : “tous les pauvres et autres pèlerins allant visiter les lieux saints avaient la retirade [l’hébergement] de trois jours audit hôpital d’Aubrac et [il] leur était administré pain et vin pour leur nurriture pendant ledit temps et si le cas advenait qu’ils fussent malades, y demeurant jusque avoir recouvert leur première santé, prenant l’aumône ordinaire ainsi que les autres pauvres des environs”. En 1700, alors que la décadence paraît irrattrapable, un inventaire fait apparaître un pauvre mobilier : treize lits, six paillasses sans lit, cinq écuelles d’étain et trois chaudrons, le reste de la vaisselle étant sans doute de bois et de terre.
On retiendra parmi les plus notables événements : les ravages des Anglais pendant la guerre de Cent ans, qui obligèrent les religieux à se fortifier et à construire en 1353 la tour que l’on appelle aujourd’hui improprement Tour des Anglais ; le passage du roi François 1er le 21 juillet 1533 qui visita le pays, on profita pour poursuivre un grand cerf avec une meute de trois cent chiens tandis que ses fauconniers prenaient deux cents perdrix et autres oiseaux ; les séjours du cardinal d’Armagnac, restaurateur des Bourines ; la prise de la domerie le 25 avril 1569 par les protestants de Millau qui y demeurèrent jusqu’en 1570 ; le siège infructueux qu’en fit le capitaine calviniste Merle le 9 janvier 1580 ; le pillage des troupes de Montmorency-Fosseuse, gouverneur du Gévaudan en 1595… Le 19 février 1790, les ordres religieux furent supprimés : la domerie comprenait quinze religieux. Ils en furent expulsés en 1793, revinrent avec courage en août 1797 et en furent définitivement chassés en novembre 1797. Les bâtiments furent alors en grande partie démolis.
Mis à part la tour, déjà mentionnée, il ne reste des anciens bâtiments que la construction dite Maison des gardes (XVe s.), le clocher construit en 1457 renfermant une célèbre cloche refondue en 1772 et surtout l’église construite après 1198, dépouillée de ses éléments les plus ornés, comme le jubé, dont les gravures romantiques nous donnent encore l’idée, et dont les pierres ont été transportées en Amérique. En 1837, l’abbé Raynal, curé d’Aunac, sauva l’église de la ruine complète, fit restaurer la toiture et la tour.
A partir de cette époque, le culte fut de nouveau célébré dans l’église, pour les cantalés et les gaspejaires ou curistes qui, au siècle dernier, venaient faire des cures de petit-lait, de grand air, de fraîcheur et de silence. Par la suite, on dota Aubrac d’un sanatorium et des hôtels accueillirent les estivants.
A quelques kilomètres à l’Est, en Lozère, quatre lacs : lac de Saint-Andéol (légendes), lac Souveyrols ou du Petit Saliens, lac des Saliens et lac de Bor. » (Jean Delmas, 1998)

Aubrac, vèrs 1910

Photo

Tour fortifiée et domerie, à Aubrac, vers 1910
© PRADEL Pierre (St-Chély-d'Aubrac)

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