Las vèspras escarnidas
Introduction
La foi n'empêchait pas l'existence d'histoires drôles, de formules ou de chants satiriques ironisant sur le clergé, les paroissiens ou les pratiques religieuses. Les chants satiriques ironisant sur des institutions et les parodies du sacré sont calqués sur des matrices issues de la liturgie.
Les parodies du sacré sont le reflet d’une population très christianisée connaissant bien la liturgie. Les fausses vêpres, préfaces, litanies ou épîtres en occitan se transmettaient parfois même entre séminaristes dans la plus pure tradition estudiantine. Les chants ironisant sur les serviteurs de l’Eglise ne procédaient pas forcément, en Rouergue, d’un anticléricalisme viscéral.
Vidéo
Berthin VERDIER
né en 1931 à La Prade de Najac, décédé en 2022.
Transcription
Occitan
Français
I aviá un cur a l’epòca tanben, las femnas cantavan dins la capèla de la Senta-Vièrja e los òmes èran darrèr l’autel a Najac e aquí èra las femnas que començavan. E las femnas fasián la voès del jove… Lo jove que disiá a sos parents :
“Mon paire, ma maire, pensariatz-li vos,
Que ieu volriái anar a la fièira coma vos !
– De qué vòls anar far a la fièira, tu, Manja-Profit ?
De qué vòls anar far a la fièira mon amic ?
– Mon paire, ma maire, pensariatz-li vos,
Que ieu li volriái anar cercar una femna coma vos !
– De qué vòls far d’una femna, tu, Manja-Profit ?
De qué li donaràs a manjar mon amic ?
– Mon paire, ma maire, pensariatz-li vos,
Li donarai a manjar de pan e de patanons coma vos !
– De qué vòls far d’una femna, tu, Manja-Profit ?
Ambe qué l’abilharàs mon amic ?
– Mon paire, ma maire, pensariatz-li vos,
L’abilharai d’un camiàs e d’una pèl de cabra coma vos !
– Per que vòls tant d’una femna, tu, Manja-Profit ?
Vai donc a la fièira e marida-te mon amic !”
Et voilà ! »
« Ces vêpres… Les gens chantaient des psaumes en latin et ils n’y comprenaient rien, bien sûr. Alors il y a toujours des poètes, parmi les paysans, il y a toujours quelqu’un qui a de l’esprit... Et il y en eut un qui, au lieu de mettre des paroles en latin là-dessus, y mit des paroles en patois, en occitan. Il avait fait un psaume en occitan.
À l’époque, il y avait un chœur aussi, les femmes chantaient dans la chapelle de la Sainte-Vierge et les hommes étaient derrière l’autel à Najac et là, c’étaient les femmes qui commençaient. Et les femmes faisaient la voix du jeune. Le jeune qui disait à ses parents :
“Mon père, ma mère, auriez-vous pensé,
Que je voulais aller à la foire comme vous !
– Que veux-tu aller faire à la foire, Mange-Profit ?
Que veux-tu aller faire à la foire mon ami ?
– Mon père, ma mère, auriez-vous pensé,
Que je voulais aller y chercher une femme comme vous !
– Que veux-tu faire d’une femme, toi, Mange-Profit ?
Que lui donnerais-tu à manger ?
– Mon père, ma mère, auriez-vous pensé,
Je lui donnerai à manger du pain et de pommes de terre comme vous !
– Que veux-tu faire d’une femme, toi, Mange-Profit ?
Avec quoi l’habilleras-tu, mon ami ?
– Mon père, ma mère, auriez-vous pensé,
Je l’habillerai d’une blouse et d’une peau de chèvre comme vous !
– Puisque tu veux tant une femme, toi, Mange-Profit,
Va donc à la foire et marie-toi, mon ami !”
Et voilà ! »