Petite fourche à deux dents (forquina) et son étui en cuir pour se défendre des loups, en Aubrac (secteur de Laguiole)

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Introduction

Petite fourche à deux dents (forquina) et son étui en cuir pour se défendre des loups, en Aubrac (secteur de Laguiole)

« Lorsque les troupeaux pacagent dans les bois, on multiplie les clochettes afin d’opérer plus facilement le ralliement, de maintenir autant que possible le groupement et surtout pour tenir à distance les loups, car cet animal n’est pas amateur de musique quelle qu’elle soit. (…)
Le loup, dit-on, commence par boire le sang de sa victime égorgée, puis il dévore les viscères : le cœur, les poumons, le foie, et enfin les chairs, ne laissant que la carcasse avec la laine. Il satisfait sa faim et sa gloutonnerie. De là les expressions vulgaires : “Manger comme un loup”, c’est-à-dire gloutonnement ; “s’ossodoula” [s'assadola] (manger son soul, avec excès) comme un loup qui mange pour huit jours.” Etc.
Les loups causaient de sérieux dégâts dans les montagnes. Pour les détruire, on organisait des battues, mais ils réussissaient sans peine à se mettre loin de la portée des balles des tireurs. (…)
Les battues ne produisaient pas de résultat faute d’organisation suffisante et surtout à cause de la trop grande étendue des forêts. Un moyen efficace, mais qui n’était guère employé que l’hiver, c’était l’empoisonnement à la strychnine.
On creusait aussi des “laûoussieyros” [laucièiras] dans les sentiers des bois. C’était des fosses profondes qu’on recouvrait pour les dissimuler de branches et de feuilles. On en prenait ainsi quelques-uns, quelquefois même plusieurs du même coup. On les tuait dans la fosse-même ou bien on les retirait vivants. Dans ce dernier cas, avec une fourche, on les serrait par le cou contre terre. C’était assez facile, ces animaux, paraît-il, ne bougeant guère lorsqu’ils se voient ainsi pris. Un homme alors descendait dans la fosse, muselait le prisonnier et on l’enlevait à l’aide de cordes. L’animal vivant était ensuite promené de village en village. Les auteurs de cette capture étaient félicités partout, on se faisait un devoir de donner quelque chose, argent ou denrées pour les payer de leur peine. On promenait de même le loup mort, quelquefois tout entier, mais comme ce n’était pas commode à trafiquer, on se contentait de passer la tête : ça s’appelait “possa lou cap del loup”. [passar lo cap del lop].
Pour détruire les loups, on recourait encore à un autre moyen. En soirée, lorsque une épaisse couche de neige recouvre la terre partout, la faim oblige les loups à sortir des bois ; ils vont rôder autour des hameaux et s’aventurent jusque dans les plus gros villages. Que faisait-on alors ? On tâchait de se procurer une bête morte, on l’attachait à un pieu solidement fixé, à découvert dans un champ ou dans un pré, à une portée de fusil d’une maison ou d’une étable. La nuit venue, les tireurs s’affûtaient derrière une ouverture et si un loup, attiré par l’odeur de charogne, s’approchait pour satisfaire sa faim, il était accueilli à coups de fusil. Mais cela ne se faisait pas souvent.
Aujourd’hui, il n’y a pas lieu de faire la chasse à ces fauves : on n’en voit plus. Après la guerre franco-allemande, des sangliers firent leur apparition dans les montagnes et les bois de l’Aubrac. Là ils se multiplièrent et se répandirent de divers côtés. Le résultat de cette invasion fut la disparition progressive des loups. » (Extrait de Un coin de Rouergue entre 1850 et 1860, de B. Cayla. Document Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron)

« On trouve çà et là sur le plateau splendide d’Aubrac des marécages et même des mollières dangereuses, capables d’engloutir des hommes et des animaux. C’est là que le loup a la ruse d’attirer les vaches, la nuit, pendant que ces pauvres bêtes entourent le parc où sont enfermés les veaux. Le loup s’approche et feint de vouloir franchir les claies.
Les vaches, surexcitées par l’amour maternel, poussent des beuglements terribles, se groupent et se précipitent sur l’ennemi avec l’impétuosité d’un escadron de cavalerie.
Le cauteleux ravisseur se laisse suivre de près, traverse ou tourne le marécage et puis disparaît. Les vaches, pleines de sollicitude pour leurs petits, s’en retournent au plus vite. Il arrive souvent que l’une d’elles tombe dans la mollière. Le loup la saisit aux mamelles, l’égorge et la dévore tout à son aise. » (Extrait de Leçons de morale et d’ Agriculture, à l’usage des écoles primaires du département de l’Aveyron, de M. A. Froment, 1876.)

« Pour capturer les renards, les chasseurs se servaient de traquenards de toutes sortes, mais pour la capture des loups vivants, c’était une autre affaire. Des fosses larges et profondes étaient creusées çà et là sur la lisière des bois ou de la forêt, et l’ouverture en était soigneusement recouverte de branches d’arbre peu résistantes, de bûchettes. Le tout était recouvert de mottes de terre, de feuilles mortes, d’herbe ou de neige, suivant la saison, pour tromper l’instinct de l’animal.
Sur ce sol artificiel et sans résistance, un appât, morceau de viande saignante, tête de mouton, parfois même petit chevreau ou agneau vivant, était fixé sur le milieu de ces chausse–trappes (las laucièiras).
Des écriteaux ou des signes convenus, avertissaient du danger qu’il y avait à passer par là et invitaient à se tenir au large de ces pièges dangereux. Si un loup affamé s’approchait de l’appât pour apaiser sa faim ou contenter sa gourmandise, le sol cédait sous ses pattes et la maudite bête tombait au fond de la fosse d’où il lui était impossible de s’échapper.
Les fosses étaient visitées de temps en temps, et quand un loup était pris, on le maîtrisait du bord du puits au moyen d’une longue fourche qu’on lui passait sur le cou, et tandis qu’un aide le tenait en respect dans cette position, un second descendait par une corde au fond de la fosse, le muselait au moyen d’un billot de bois (un cavilhon) qu’il lui plaçait entre les deux mâchoires, et après l’avoir attaché à un fort collier, au moyen d’une chaîne solide, on le remontait vivant. Après avoir tout disposé pour une autre capture, les chasseurs le conduisaient en laisse de village en village où chacun leur donnait des œufs, du fromage, des poulets, et même de l’argent pour les encourager à détruire ces terribles bêtes. » (B. Verdier, dans Bulletin de la Solidarité aveyronnaise)

Forquina, sus Aubrac (canton de Laguiòla)

Photo

Petite fourche à deux dents (forquina) et son étui en cuir pour se défendre des loups, en Aubrac (secteur de Laguiole)
© Institut occitan de l'Aveyron (Villefranche-de-Rouergue)

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