Introduction

-- Operacion PAÍS Ségala 2021 / Gramond --

Témoignages, tranches de vie, histoires, savoir-faire...

En 2021, l'équipe de l'Institut occitan de l'Aveyron a parcouru le Ségala à la rencontre de près de 300 Ségalis. 

-- Operacion PAÍS Segalar 2021 / Gramont --

Testimoniatges, tròces de vida, istòrias, saupre-far...

En 2021, la còla de l'Institut occitan d'Avairon s'es passejada sul Segalar al rescontre de gaireben 300 Segalins. 

Vidéo

© Institut occitan de l’Aveyron - Réalisation Nils MARTIN

Gaston RECH

né en 1929 à Cabanes de Gramond, décédé en 2021.

Transcription

Occitan
Français

Pas de transcription pour le moment.

« Pourriez-vous nous dire ce que vous avez fait dans la vie ?

 

– J’ai été paysan, paysan toute ma vie. J’ai commencé... Je devais avoir... J’étais né avec les vaches. Et alors toute la vie, nous avons fait avec les bœufs, les juments, à charger le foin à la fourche, à le décharger à la fourche. Eh bien un jour comme aujourd’hui, vous savez qu'il faisait chaud ! Mais bon, toutes les premières années que j’ai vécues, c’était… jusqu’en 54 où nous achetâmes le premier tracteur. Ça fait que, jusqu’à cet âge-là, nous avons parcouru tous les champs à pied avec les sabots bas. Vous ne savez pas ce que c’est, les sabots bas ? Quand on était en train de moissonner et qu’on poussait les bœufs avec les sabots bas, je ne vous dis pas, et quand il y avait des ronces... C’est pas possible comme on a trimé... Moi j’ai porté des sabots. Pendant toute la guerre nous portions des sabots. Nous avions juste une paire de chaussures. Et, tout l’hiver, ils étaient même ferrés. Ils étaient ferrés, les sabots, pour ne pas glisser. Et ça a duré pratiquement toute la guerre. Aujourd'hui nous râlons d'être confinés mais, pendant quatre ans, rappelle-toi que, nous le fûmes, confinés, aussi, non ?

 

– Et vos parents étaient paysans aussi ?

 

– Oh oui et même les grands-parents. Et la famille, avant 1900, ils étaient sept de famille, ils étaient partis en Amérique, en Argentine, et quelques-uns à Paris. Ils firent vendre la moitié de la ferme et ils ne sont pas retournés à la maison.

 

– Jamais ?

 

– Non.

 

– Et ils sont revenus en France quand même ?

 

– Quelques-uns, mais ils ne sont pas revenus à Cabanes.

 

– Et où sont-ils allés en Argentine ? À Pigüe ?

 

– À Pigüe, oui. Il y a juste le petit-fils d'un de ceux qui étaient partis à l’époque qui vint nous voir un jour. Mais à part ça, ils ne sont pas retournés à Cabanes.

 

– Et quand il est venu, il parlait espagnol ou français ?

 

– Il parlait français. Mais enfin c'était un fonctionnaire, ce n’est pas un paysan qui vint.

 

– C’est quelqu’un de la famille Rech qui était parti ?

 

– Je n'en sais rien.

 

– C’est loin…

 

– C’est loin et comme ça ne nous intéressait pas... Il y en a un, quand même, qui était revenu et qui avait acheté une voiture qui n’avait pas de différentiel. Et bon, il avait du mal à monter la côte. Je me souviens juste de cette voiture mais je ne sais rien, ni qui c’était, ni... Moi, je n'étais pas grand encore, j'étais comme...

 

– Et les parents, qu’est-ce qu’ils élevaient sur la ferme de Cabanes ?

 

– On faisait de l’élevage de vaches et de veaux à l’époque, quelques cochons, un peu de volaille. Les femmes faisaient naître des oies, des oisons. Nous avions sept ou huit oies pour faire des oisons, pour avoir un peu d'argent, parce qu'on n’avait rien pour en faire autrement.

 

– Et ils gavaient...

 

– Oui.

 

– Avec quoi ?

 

– Oh je n’en sais rien, avec du maïs.

 

– Ils vendaient le foie ?

 

– Quand ils en avaient un peu, mais ils n’en avaient pas des tas. Et puis quand on faisait la fête, un peu, de temps en temps, bon...

 

– Et vous, vous avez changé de production, après, ou vous êtes restés sur le veau ?

 

– Non, nous sommes restés avec des vaches, mais avec du lait. C’est-à-dire que, quand j’ai commencé à m’installer, nous faisions avec des veaux et nous perdions de l'argent chaque jour, et nous nous mîmes à faire du lait. Nous commençâmes en 60 à faire du lait. Et bon, ça a duré jusqu’à aujourd’hui. C’est-à-dire que... Comment dirai-je ? J’ai beaucoup travaillé avec tout le monde. Je me suis occupé de beaucoup de choses. En 1960, nous avons beaucoup poussé pour faire de la production de lait parce que personne ne voulait nous l’acheter. Il nous fallut monter une coopérative pour nous l’acheter. Tout ça a fait que j'ai eu beaucoup de relations avec beaucoup de monde. Nous ne sommes pas restés là repliés sur nous-mêmes.

 

– Vous avez fait plus que d'être paysan !

 

– On a fait ce qu’on a pu.

 

– Et cette coopérative existe toujours ?

 

– Eh oui, c’est la SODIAL.

 

– Ah ! SODIAL !

 

– Oui, oui, mais ça ne s’est pas fait tout seul ! Si vous saviez les kilomètres que nous avons faits pour faire tout ce qu’on a fait ! Parce que, quand nous commençâmes à faire le ramassage, la concurrence cherchait à nous ramasser les bidons ! Alors bon... Ce nétait pas pensable d’en arriver là. Mais enfin bon...

 

– Qui c'était, la concurrence ?

 

– C'était les Gorges du Tarn, enfin Roquefort. Ils ne voulaient pas que nous fassions du lait en Aveyron. Ce qui fait que ce fut une période un peu...

 

– Intéressante quand même...

 

– Oh oui. Et ça nous amena... Bon… pour faire du lait, il fallait faire de l’herbe. Quand nous avions fait de l’herbe, il fallait la ramasser et il fallait la faire proprement. Ça nous amena à faire des CUMA pour dire d'avoir les machines, d'acheter les machines qu'il fallait. Et tout ça a fait que les gens ont un peu travaillé ensemble. Mais enfin ça a été long. La première CUMA que nous montâmes, c'est moi qui m'en suis occupé, à l’époque... Nous étions 6 ou 7 et nous restâmes 6 ou 7, les mêmes, pendant 6 ans. Les gens voulaient voir si les vaches crevaient. Eh oui ! Ça ne se fait pas comme ça... Et puis il fallait aussi apprendre à travailler. Ça fait que nous passâmes 6 ans difficiles. Enfin... Alors après nous achetâmes... Les machines évoluèrent. En 80, nous achetâmes deux ensileuses automatiques, deux grosses machines. Nous dépensâmes 60 millions d’un coup, crac ! C’est la meilleure affaire que nous fîmes de notre vie.

 

– Et l’année, c’était en... ?

 

– Là ce devait être en 80.

 

– C’est intéressant, vous avez vu toute l’évolution.

 

– Oh oui, oui.

 

– Je vais vous demander : la langue occitane, vous l’avez toujours entendue ?

 

– Oui mais la langue occitane, quand nous étions jeunes, presque tous les enfants, les jeunes, la parlaient mais c’est quelque chose… La difficulté qu’il y avait, c’est que nous en étions arrivés à parler moitié patois, moitié français. Et, quand nous étions jeunes, que nous avions entre 15 et 20 ans, nous faisions des réunions de jeunes et nous apprenions à parler français en face. Pas patois. Parce que, quand tu allais chez quelqu’un pour défendre un dossier, si tu ne parlais pas français, c’était difficile, quoi. Bon ça fait qu'il y a un tas de choses qui ont fait que les choses ont un peu  changé.

 

– Et est-ce que vous aviez entendu dire que, dans le temps, les enfants qui ne parlaient pas français étaient punis à l’école ?

 

– Oh je ne me souviens pas de tout ça.

 

– C’est avant vous. C’était avant, ça.

 

– De mon temps ils n'étaient pas punis parce qu’ils parlaient patois.

 

– Et il y en avait qui ne connaissaient pas le français ?

 

– Il y en avait quelques-uns mais pas des masses. Mais enfin bon, je ne me souviens pas tellement. Parce que nous étions 40 à l'école à Jouels. Je ne vous dis pas comment... Nous avions un instituteur qui ne valait rien. Un peu plus... Le village n’allait pas bien. Nous a rejoint un nouvel instituteur et rappelle-toi que là ça marchait !

 

– Et pourquoi ? Il était vieux ?

 

– Non, il ne savait pas faire.

 

– Et vous étiez à Jouels ? De Cabanes, vous alliez à l’école à Jouels ?

 

– À pied.

 

– À pied ?

 

– Oui, matin et soir.

 

– Eh oui, et avec des pantalons courts encore ! Nous avions les genoux qui étaient au froid.

 

– Eh oui, je comprends.

 

– Quand j’allais à l'école, il y avait les oies dans le chemin, là, on ne pouvait pas passer, on les coursait. Vous savez que c’était l’ancien temps !

 

– Et maintenant quand vous voyez que la langue est à nouveau enseignée, vous en pensez quoi ?

 

– Bon c’est peut-être un peu de folklore mais ce n’est pas ce qui va faire avancer le pays, mais enfin bon, le folklore ça fait de l’animation, bon c’est normal ça. Après, moi, j’estime que si tu veux te défendre, si tu veux parler à quelqu’un, il te faut parler français comme il faut.

 

– Mais peut-être que les deux sont possibles ?

 

– Oui.

 

– Maintenant que nous avons l’instruction.

 

– Oui, mais enfin bon... Il y a encore des personnes âgées qui parlent moitié, moitié. Un peu en français, un peu en patois.

 

– Ça fait une richesse.

 

– Oui.

 

– Et ici, à Gramond, nous sommes sur le Ségala, ça s’appelle le Ségala. Et pour vous, c’est quoi, le Ségala ?

 

– Le Ségala, c'était un pays pauvre, un pays pauvre dont la terre était acide et les céréales ne poussaient pas bien. Les graines, le trèfle et tout ça, ça avait du mal à prendre, à pousser. Alors dans le Ségala il y avait beaucoup de châtaigniers et le Ségala a vécu avec du seigle et des châtaignes. Il y avait des châtaigniers partout. Moi je me souviens encore que j’ai participé à les arracher. Nous en avions autour de la maison. Autour du village, nous étions entourés de châtaigniers énormes qui empêchaient les tempêtes de vous faire périr quelque chose.

 

– Et quand ont-ils été arrachés ?

 

– Pendant la guerre. Pendant la guerre, nous étions confinés, nous ne pouvions aller nulle part. Il fallait rester là alors, l'hiver, nous avions le temps d'aller arracher un châtaignier. Et puis il y avait quand même quelques personnes qui étaient disponibles pour aller arracher un arbre. Mais ça se faisait tout doucement. Pour arracher un arbre, tu commençais au début de l’hiver et, à la fin de l’hiver, il était tombé, mais pas toujours...  

 

– Et comment faisaient-ils pour le tomber ?

 

– Il te fallait couper les racines jusqu’à ce qu’il tombe, et creuser tout autour. Oh mais c’est inimaginable le travail qu’il nous fallait faire !

 

– Et pour vous, la capitale du Ségala, où se trouve-t-elle ?

 

– Oh, je n’en sais rien. Le centre est un peu à Baraqueville. Mais avec Naucelle, ils sont à peu près...

 

– Et Rieupeyroux ?

 

– Pour ici, Rieupeyroux... moins. Les gens vont plus vers Baraqueville et Rodez. Rieupeyroux, je trouve qu’ils sont en train de prendre un peu...

 

– D'élan...

 

– Oui. »

(Traduction Hélène Moisan, Gramond)

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